Le mythe de la rémunération en Éducation


2019-11-21 - Plusieurs se réjouissent à l'idée d'abolir les élections et les élus scolaires.  Après tout, des sommes faramineuses qui servaient à la rémunération des élus scolaires seront dorénavant injectées dans le service à l'élève…
Vraiment?
Il est assez fréquent de voir tout genre de déclarations qui laisse croire que certains s'en mettent plein les poches.  Les médias, souvent, n'aident pas en citant des chiffres de 17 000 $ / an en salaire.  Croyez-moi ce n'est pas le cas.  Il n'y a que très peu de commissaires scolaires à travers le Québec qui touchent cela.
Il faut comprendre que l'argent disponible pour rémunérer un élu est en fonction de la masse salariale disponible dans une Commission scolaire (Cs).  Cette dernière dépend d'un montant de base fixé par décret ministériel, qui à son, tour dépend de la taille (nombre d'élèves ETP (équivalent temps plein)) et du nombre de commissaires.  Le tout est ensuite réparti selon les modalités déterminées par le conseil des commissaires. Ouf! Vous me suivez?

Pour 2018-2019, le montant accordé pour la masse salariale d'un conseil[1]

·        Cs avec moins de 25 000 élèves :
o   5 254 $ par commissaire
o   5 219 $ par membre de l'exécutif (maximum 7);
o   Le montant le plus élevé entre 16 437 $ et le nombre d'élèves ETP multiplié par 1 $.
·        Cs avec plus de 25 000 élèves, mais moins de 50 000 élèves:  
o   7 197 $ par commissaire
o   6 962 $ par membre de l'exécutif (maximum 7);
o   Le nombre ETP d'élèves multiplié par 1 $.
o   Le nombre de circonscriptions électorales scolaires situées à 75 km ou plus de la Cs multiplié par 2 054 $.
·        Cs avec plus de 50 000 élèves :
o   14 934 $ par commissaire
o   19 207 $ par membre de l'exécutif (maximum 7);
o   Le montant le moins élevé entre 75 337 $ et le nombre ETP d'élèves multiplié par 1 $.

Il y a entre 8 et 18 commissaires par conseil, selon le nombre de circonscriptions, en fonction du nombre d'électeurs de la commission scolaire.
Par exemple, à la Commission scolaire de Laval (CSDL) où j'ai siégé au conseil à titre de commissaire représentant les parents et membre du comité exécutif, de 2010 à 2018, le nombre d'élèves a varié de 44 000 à 55 000 élèves.
Le conseil a fait le choix de répartir la masse salariale entre les commissaires en accordant à priori un salaire bonifié aux postes d'officiers (présidence, vice-présidence), à ceux de l'exécutif et aux responsables des différents comités de travail. Mais la somme à se séparer est toujours la même!
Dans mon cas, pour les 7 années, voici la case 14 de mon T4 :

Année         
2017-2018: 5 646$
2016-2017: 6 599$
2015-2016:  990$** siégé partiellement de novembre à décembre en début de mandat
2012-2013: 5 961$
2011-2012: 6 450$ 
2010-2011: 6 292$ 
2009-2010: 6 233$

Comme vous constaté, le montant est nettement en deçà des 17 000 $ couramment véhiculés dans les médias.

Et pourtant, j'étais dans une des plus grandes cs du Québec : la CSDL se classe au 3e rang du nombre d'élèves au Québec, juste derrière Montréal et Marguerite-Bourgeoys.

Ces sommes je les ai reçus pour plus de 60 rencontres, de 3 heures et plus, du conseil ou de ses comités.

Et comme je représentais les parents, pour pouvoir y accéder j'ai dû :
·        Être élu à l'assemblée générale (AG) de l'école de mon enfant, par l'ensemble des parents présents, pour siéger sur le conseil d'établissement.
Charge : 1 rencontre par mois de septembre à juin.  Entre 4 et 8 parents par école (78 à la CSDL), donc près de 360 parents bénévoles occupent se poste à travers la cs. Pas de rémunération ou autre compensation.
·        Toujours à l'AG de l'école, dans un 2e temps être élu parmi les membres du conseil d'établissement, comme représentant de l'école au comité de parents.
·        Siéger au comité de parents (1 rencontre par mois de septembre à juin) et être élu parmi les 72 représentants à un des 3 postes de commissaire représentant les parents au conseil des commissaires. Pas de rémunération ou autre compensation
·        Une fois au conseil, une rencontre par semaine d'août à la fin juin (des fois allant jusqu'à la 2e de juillet).  Plus les représentations dans les écoles, remises de prix, ouvertures d'écoles, consultations, etc.  Et c'est uniquement  pour ces rencontres spécifiques que j'ai reçu une rémunération.
Alors, il faut comprendre que les parents sont déjà très présents et à titre bénévole dans les processus de gouvernance des commissions scolaires.  Mais cela n'est que la pointe de l'iceberg.  Les parents sont aussi bénévoles dans les bibliothèques, OPP (organisme de participation des parents), comité des utilisateurs du service de garde, de financement, de vaccination, de la photo-école, des différentes sorties vertes, blanches, etc.

Quand le ministre Roberge dit se réjouir d'abolir les 677 élus scolaires au profit du service à l'élève, en fait, il va réinjecter 45,5 M$ [2] d'économies, sur quatre ans, dans le service à l'élève.

Considérant que le salaire d'un professionnel est de 75 000 $/an, le ministre réinjectera 150 ressources par année dans le réseau… réparti dans les 72 commissions scolaires et les 3119 écoles[3], cela veut effectivement dire 0.04 ressource ou 50 heures de professionnel par école par année. 

Des miettes comparativement aux 267 M$/an associés à l'uniformisation du taux de taxes scolaires.  À la place, si le ministre avait voulu réinjecter ces sommes dans le réseau, c'est 1 professionnel par école dont le réseau aurait bénéficié!

Marc Patrick Roy
Ex-bénévole et parent impliqué en éducation
Ex-président de comité de parents
Ex-commissaire représentant les parents
Ex-VP de la Fédération des comités de parents du Québec

[1] Décret 753-2018, 13 juin 2018

[2] L'État récupérera 10 M$ par an en ne versant plus de salaire aux élus scolaires et près de 12 M$ tous les quatre ans, en éliminant les élections scolaires.

Rémunération des commissaires pour l'année scolaire 2016-2017 : Salaires et allocations : 10,2 M$
Élections scolaires de 2014 : 11,8 M$.

[3] Banque de données des statistiques officielles sur le Québec , nombre d'écoles, selon l'ordre d'enseignement et le réseau d'enseignement, Québec, années scolaires 2012-2013 à 2017-2018


0 Commentaires